Mais revenons à la mise en place des méridiennes dans notre région.
Aux alentours de 1800, l'essor de la technique horlogère fait que des horloges et des montres
apparaissent jusque dans nos villages. Hélas la fiabilité de ces instruments n'est, souvent, que de
l'ordre d'une demi-heure par jour, voire moins. Cependant, posséder un tel objet assoit, à coup sûr,
la notoriété de son possesseur, que ce soit une communauté ou un individu.
Il restait, cependant, à résoudre ce problème de décalage entre “l’heure de l’instrument” et
“l’heure vraie”, celle du Soleil car tout le monde le sait : chacun voit midi à sa porte. C’est là que nos
méridiennes entrent en jeu.
Le principe de leur construction est très simple : à midi local, l’ombre d’un style, dans le plan
du méridien, est verticale. Un repère vertical sur un mur exposé au sud, un style et le tour est joué : à
midi local, l’ombre du style coïncide avec le repère.
(En réalité, c’est un peu plus compliqué, mais si peu. Une histoire d’équation du temps et de
8 de Grandjean de Fouchy, mais nous ne sommes pas ici pour un traité de gnomonique. La
méridienne de l’ancienne Ecole Militaire de Mézières, l’actuelle préfecture des Ardennes, tracée par
le célèbre mathématicien Gaspard MONGE, en est l’illustration.)
Nous disions donc un repère vertical, çà c’est facile : une barre de fer sur un mur et c’est
tout. Plus un style : pas très compliqué non plus. Il suffit de fixer, dans l’alignement de la barre, une
tige dans le plan du méridien.
Rappel : Les méridiens, ce sont les lignes imaginaires qui coupent la Terre
en quartiers d’orange et qui passent donc par les pôles. Ils donnent la
longitude qui est l’écart d’angle entre le méridien local et le méridien de
Greenwich.
Les parallèles, ce sont les lignes imaginaires qui coupent la Terre
en rondelles de tomate et qui sont donc parallèles à l’Equateur. Ils donnent la
latitude qui est l’angle que forme la verticale du lieu avec le plan de
l’équateur.
Pour déterminer le plan du méridien, plusieurs méthodes possibles :
La plus efficace, mais la plus compliquée : la visée polaire.
De nuit, bien sûr, on vise l’étoile Polaire puis on reporte les différents angles (par rapport à la verticale et par rapport au plan du
mur où l’on veut fixer le style) à l’endroit voulu.(A réserver à un amateur noctambule éclairé)
La plus rapide, mais la moins fiable : à la boussole. La différence entre le nord géographique et
le nord magnétique est assez faible pour être considérée comme négligeable.
La plus gnomonique : l’ombre d’un gnomon. Planter une tige verticale dans le sol. Au cours de
la journée, noter la longueur de l’ombre. Le tracé de l’ombre la plus courte donne le méridien
local. (Il donne donc, sans boussole, le nord géographique. Etonnant, non ?)
Pour déterminer la latitude : soit la visée polaire, soit une carte, la plus précise possible, soit
maintenant le système GPS.
Pour augmenter la précision de la lecture au moment du passage de l’ombre à la verticale,
certains styles, comme celui de Sery (08) étaient dotés d’un oeilleton : c’est simplement un disque
percé en son centre. C’est la tache lumineuse qui donne, alors, le midi vrai lorsqu’elle passe sur la
barre verticale.(Ce “disque” était souvent découpé en forme de Soleil).
Dans ce système à oeilleton, comme, seule la tache lumineuse donne le midi local, c’est
uniquement elle qui doit être obligatoirement dans le plan du méridien. La ou les tige(s) qui
supporte(nt) le disque ne nécessite(nt) aucune orientation. C’est une affaire d’esthétique.
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Tous les ingrédients sont maintenant en place pour que M. ATUVU puisse faire savoir à tout
le village qu’il possède, à titre personnel, UNE MONTRE.
- Il faut que je montre que j’ai une montre qui montre ma réussite sociale. Même si je ne fais
pas, là, montre de modestie, se dit-il, in petto et dans son for intérieur.
(Pour lundi prochain, faites le même exercice de style avec le mot : horloge)
Où, dans nos villages, pouvoir mieux qu’à la sortie de la messe, assouvir cette prétention
ridicule qu’ont certains de vouloir écraser, par leurs revenus, les plus humbles qu’eux ?
A cette époque : nulle part ! C’est donc tout naturellement que les méridiennes ont fleuri sur
les églises.
(Si ce type de comportement vous semble, aujourd’hui, dérisoire, regardez les pneus
immaculés de ces 4x4 flambants neufs. N’est-ce pas, là aussi, de l’esbroufe ? )
Je vous rappelle qu’il n’y a encore pas si longtemps le passage “quasi initiatique” à
l’âge adulte qu’était la première communion était couronné par le cadeau du
parrain au filleul, et ce n’est pas innocent, de la vraie montre, “celle qui marche
pour de vrai”.
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En dehors du midi local, les méridiennes servaient également de calendrier. Au cours de
l’année, la position du Soleil sur l’horizon est plus ou moins haute. La hauteur maximum est atteinte
au solstice d’été : la tache de lumière est donc au plus bas sur la barre verticale. Inversement, au
solstice d’hiver, le Soleil étant au plus bas, la tache est donc au plus haut. Une table, appelée table de
déclinaison, donne l’angle que fait le Soleil avec le plan de l’Equateur tout au long de l’année. Par un
calcul, assez simple, de trigonométrie, on peut déterminer l’endroit où se trouvera la tache de
lumière au moment voulu : fêtes locales, entrées dans les signes du zodiaque, ...(bien sûr uniquement
des fêtes ayant une date fixe).
La barre, souvent émaillée, comportait de façon lisible ces indications.
La lente mort des méridiennes a plusieurs raisons :
Les montres et les horloges sont de plus en plus fiables.
Leur prix de plus en plus abordable les rend accessibles.
Les méridiennes ne donnant que le midi local, le décalage de presque une heure entre Strasbourg
et Brest devient un problème pour les communications, en général, et les chemins de fer, en particulier.
La loi du 14 mars 1891, sous la présidence de Sadi Carnot, décrète que : “ l’heure légale en
France et en Algérie est l’heure du temps moyen de Paris “.
Quelques méridiennes ardennaises : sur les églises de
Sery ,
Justine et
Neuville-les-This et sur la
préfecture des Ardennes. (Si vous en connaissez d’autres, merci de le faire savoir)